C’est un événement qui se prépare. La course revient chaque
année à la même époque, j’observe le parcours à la loupe et choisis
minutieusement l’endroit où je me posterai.
Lors des deux éditions précédentes, l’arrivée de Paris-Nice a
été jugée au sommet du Col d’Eze après une course contre-la-montre. Le choix
était alors simple et il suffisait de monter à pied par un sentier et se placer
là où les spectateurs venus en voiture n’ont pas accès.
Sur une étape en ligne l’affaire est plus compliquée. Je
choisis de préférence un col, s’il en est un que j’ai déjà grimpé moi-même lors
d’une course pédestre c’est encore mieux je me sens ainsi un peu des leurs. Mais
il ne faut pas non plus être au sommet du col car le public est trop nombreux,
sans oublier de tenir compte des impératifs d’organisation familiale.
Selon qui m’accompagne, j’emporte avec moi un jeu de tarot ou
un bouquin (ma bien-aimée ne joue pas aux cartes). L’attente est parfois
longue.
Lentement, la route s’anime. Les premières motos de la
gendarmerie ouvrent le parcours, la route est alors fermée par leurs collègues
de factions, certains automobilistes qui n’avaient pas prévu cela rouspètent un
peu. Une première voiture de direction de course passe en trombe, suivie quelques
minutes plus tard par la voiture d’un magazine de cyclisme annonçant les échappées
et les écarts.
Le passage des coureurs est pour bientôt. Le livre ou le jeu
de tarot est alors rangé, les motos de presse continuent de signifier l’imminence
de la course que confirme rapidement l’hélicoptère de la télévision.
Les huit coureurs échappés passent enfin et nous les encourageons
sans connaître leurs noms. L’un d’entre eux fait signe à la voiture suiveuse de
son équipe qui le rejoint, un mécanicien surgit une roue à la main et remplace
en moins d’une minute la roue crevée du coureur qui repart en danseuse. Je
saurai plus tard que le garçon a capitalisé d’ores et déjà suffisamment de
points pour endosser le maillot de meilleur grimpeur à l’étape.
Le peloton passe moins de trois minutes plus tard. Une longue
file d’une centaine d’hommes dont je reconnais furtivement quelques maillots,
le jaune, l’actuel meilleur grimpeur, le champion du monde.
La longue file des voitures d’équipes bariolées aux couleurs
des sponsors défile à la suite dans un immense patchwork, orné de vélos et
roues de remplacements. Au milieu de cette cohorte automobile, un cycliste retardé
par une crevaison tente de réintégrer le peloton.
Puis la voiture balai ferme le bal, le spectacle furtif n’aura
duré qu’une dizaine de minutes.
photo : letour.fr - ASO |
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