Alors qu’à une époque désormais révolue pour moi je faisais cela tous les quinze jours, j’ai récemment accroché un dossard douze mois après le précédent et pour la première fois en vélo.
C’est donc avec une certaine fébrilité
sans enjeu que je me suis présenté au départ d’une cyclosportive non chronométrée
dont le parcours était le même que celui des pros sur la dernière étape du
Paris-Nice.
Cinq côtes et cols sont au programme,
sur un parcours de 128,8 kilomètres.
Habitué des marathons à plusieurs
milliers de participants, voire dizaine de milliers pour certains, je suis
agréablement surpris par la fluidité du départ. Il nous a été demandé notre souhait
d’un créneau horaire et c’est par petit groupe d’une vingtaine que nous partons
successivement à quelques minutes d’intervalles.
Nous longeons la Promenade des Anglais
puis la route de Grenoble (la 202 pour les intimes et les locaux) en longeant
le Var. Si le départ est d’allure modérée, 25 km/h, très vite le groupe accélère
et dépasse les 32 km/h. La route n’étant pas fermée à la circulation, je pense
plus confortable de rester en groupe, « dans les roues » comme on dit,
mais le rythme est trop soutenu et je préfère laisser filer plutôt que d’arriver
cramé au pied de la première côte qui ne tardera pas.
Elle arrive après une heure de
route, c’est la côte de Levens, pas très difficile, jusqu’au village éponyme, puis
nous redescendons avant de bifurquer sur la deuxième ascension, vers Châteauneuf
Villevieille, un classique des sorties dominicales entre amis. « Jusqu’ici
tout va bien » est le message que je leur envoie, c’est l’occasion du
premier ravitaillement, j’ai fait un tiers du parcours avant la redescente vers
Contes.
C’est déjà la troisième côte, que
je ne connais pas du tout, six kilomètres à six pour cent, cela passe sans heurts,
les jambes sont toujours là.
Dans la descente vers l’Escarène,
un concurrent interpelle à la cantonade pour une chambre à air. C’est sa deuxième
crevaison, nous partons tous avec une chambre à air de rechange, jamais deux !
Je m’arrête pour le dépanner en espérant que je n’aurais pas la mouise à mon
tour. Le jeune homme propose de me dédommager de cinq euros, je lui dis
évidemment qu’il n’en sera rien en me rendant compte qu’il me vouvoie. Mon
casque cache pourtant mes cheveux gris, il doit y avoir d’autres signes marqueurs
du temps.
Je suis loin d’être un vétéran
dans l’épreuve, quelques octogénaires font le parcours aussi, l’un d’entre eux
assume et arbore fièrement un bandeau sur son maillot « Philippe, 82 ans ».
Passant à sa hauteur je lui donne l’encouragement qu’il attend, un petit mot
tout simple. Chapeau mec, grimperais-je encore des cols à son âge ?
Vient ensuite la côte de Peille.
Les kilomètres se sont accumulés, c’est l’avant-dernière difficulté du jour et on
passe en première catégorie. Pour les non-initiés, la catégorie des cols dans
une course cycliste permet l’attribution des points au classement du meilleur grimpeur
en fonction de la difficulté. Cela va de la petite bosse de quatrième catégorie
où le coureur passant en tête gagne un point, les organisateurs en trouve
toujours au moins une pour pimenter la course, même en Bretagne, peut-être pas
en Beauce, jusqu’au col de première catégorie qui vaut dix points. Les cols hors
catégorie rapportent vingt points, mais là c’est pire, on parle de l’Alpe d’Huez,
du Tourmalet et autres légendes du Tour de France. Personnellement je n’ai encore
jamais grimpé ça.
La côte de Peille, c’est de la
première catégorie et les cuisses commencent à chauffer. L’avantage d’être un
régional de l’étape c’est de bien connaître cette côte, je connais ses lacets,
je sais quand ça s’arrête même si j’ai les yeux rivés sur le GPS pour savoir ce
qu’il reste à faire.
Il n’y a pas que la montre et la
route, j’arrive aussi à regarder le paysage, ce serait dommage de ne pas en profiter,
même si je connais le coin.
Arrive le deuxième
ravitaillement, heureusement qu’il y en avait car pour la première fois de la
saison printanière un deuxième bidon d’eau n’aurait pas été superflu alors que
la veille encore la question était : « cuissard court ou cuissard
long ? ». Ceux qui ont fait le choix du long on du bien le regretter,
j’ai gagné aujourd’hui ma première marque de bronzage cycliste.
S’en suit une vingtaine de
kilomètres tranquille avant la dernière difficulté du jour, et pas des
moindres, ze difficulté, le col d’Eze.
Après Peille, La Turbie, Eze
Village et descente sur Nice, on attaque le gros morceau de la journée, après
cent kilomètres.
Je suis un peu déçu que l’ascension
du col ne se fasse pas sur la route habituelle. Les organisateurs font
bifurquer par le boulevard Bischoffsheim, je comprends vite ma douleur. La pente est
de vingt pour cent jusqu’au Col de la Corne d’Or puis rebelote par le Chemin du
Vinaigrier jusqu’au Col des quatre chemins avant de retrouver la route habituel
du Col d’Eze.
Si l’on regarde la course des pros le
lendemain sur le même parcours, c’est précisément à l’endroit où le maillot jaune
a mis le feu au poudre dans le chemin du vinaigrier que, moi, j’ai humblement
marché tellement la pente était raide.
Une fois finie cette ascension, l’affaire
était entendue, il ne me restait plus que la descente sur Nice et la ligne d’arrivée.
128,8 kilomètres en 6 heures 34. Il y avait longtemps que je n’avais pas roulé une
si longue distance.
Le lendemain, sur le même parcours, le
vainqueur de l’étape ne mettra que 2 heures 51 et le dernier 3 heures 17, pile
moitié moins que moi, il s’agit du français Hugo Page, 22 ans, de l’équipe belge
Intermarché-Circus-Wanty, sur un vélo de la même marque que le mien.
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