Elle regardait les doigts de son
compagnon s’agiter au-dessus des touches du clavier de l’ordinateur, appuyant
agilement sur elles tandis que l’écran affichait simultanément chaque lettre.
Les mots se succédaient ainsi sur le traitement de texte qui parfois soulignait
d’un petit zigzag rouge ou bleu selon que le logiciel avait décelé une erreur
d’orthographe ou de grammaire.
Parfois il s’arrêtait, revenait
en arrière, changeait un mot, un phrase, reformulait, effaçait, et finalement
reprenait. Parfois il s’interrompait, levait la tête. Les deux se regardaient,
se souriaient. Après quelques instants il reprenait son texte.
Elle le regardait dans sa
solitude d’écriture, elle ne savait jamais rien du contenu du texte. Etait-ce
un de ses poèmes qu’elle affectionnait tant ? Etait-ce un article pour son
blog ? Etait-ce une nouvelle ? Un projet plus long à écrire ?
Elle brûlait de savoir quels étaient les mots
qui s’étalaient sur cet écran mais savait qu’elle serait la première lectrice,
c’était là son privilège.
En connaissant enfin le texte,
elle émettra parfois son avis sur un mot mal choisi ou une virgule mal placée,
et corrigera les nombreuses fautes d’orthographes de conjugaisons.
Mystérieux dans l’écriture,
l’auteur seul connait la proportion entre l’imaginaire et le réel, entre
l’invention et le souvenir. L’auteur seul sait quel nom a été changé et il s’en
amuse, il aime changer les noms, les lieux, les âges, les métiers, les couleurs
de cheveux. Et lui seul sait qui est qui.
La douleur muette de la femme de
l’auteur est d’ignorer tout entre la part qui est inspiré des souvenirs et
celle qui sort de son imagination. Elle aimerait tant savoir comment naissent
les personnages, d’un souvenir, d’un regard, de l’actualité, du présent ou de
rien.
Mais son auteur de mari ne veut
rien dire, il ne veut pas avoir à justifier chaque mot, chaque ligne, ou, pire
encore pour elle, chaque courbe de femme.
La femme de l’auteur est comme la
femme du marin qui voit son mari partir de long mois. L’auteur comme le marin
restent secrets sur le contenu de leur voyage. C’est elle qui pourtant connait
le mieux l’auteur et malgré cela elle ne parvient pas toujours à connaître ses
secrets.
Les connait- il lui-même ?
Je vis ce secret-là aussi... qui n'en est pas un, véritablement, qui se rapproche davantage du mystère que du secret, et nous le savons, on n'explique pas un mystère...
RépondreSupprimerTrès beau texte, intimiste, comme vous savez si bien le faire, Antoine.
Et en plus, vous étiez sur mon blog ce jour-là ?! Ici aussi, sur la blogosphère, règne le mystère.. celui qui convoque les rencontres et programme les découvertes !
Bonne fin d'année Antoine, à vous et votre famille !
Amitié
@+ michelle